Double peine pour l’Open de France : non seulement il perd son statut de Rolex serie mais il est déplacé du début de l’été à mi octobre. Merci au Tour européen ! – Photo D. Roudy
Se sentant « poignardé » suite à la rétrogradation et au déplacement (17-20 octobre) de date de l’Open de France, le président de la Ffgolf livre, lors d’un passage au G.C Lyon, une analyse lucide d’une authentique trahison.
– A contrario de toute manifestation sportive internationale comment interpréter ce fait ressenti par les suiveurs français lors des cérémonies d’ouverture et de clôture de la Ryder Cup où la Ffgolf n’a pas été citée ? Seul Pascal Grizot, instigateur, il est vrai, de l’évènement, ayant droit à une mention … fort discrètement d’ailleurs ?
J.L Ch « Effectivement, de nombreux licenciés nous ont dit que c’était choquant et ont manifesté à notre égard leur soutien, car la Fédé n’a pas été reconnue à sa juste valeur. »
– Que penser de l’attitude des responsables de Ryder Cup Europe, Keith Pelley, le boss et David Williams le président* ?
« En fait, il est lié à d’autres faits et notamment au déclassement et rétrogradation du rang de Rolex Series de l’Open de France. On a été mis devant le fait accompli, trois semaines après avoir livré … « la plus belle Ryder Cup version européenne jamais produite », comme nous l’a signifié David Williams* »
« Poignardé dans le dos »
– Et votre sentiment quand vous apprenez cette double nouvelle ?
« De la frustration pour la rétrogradation, mais je me suis surtout senti poignardé dans le dos pour le déplacement de l’Open de France. Et j’ai eu beaucoup de mal à digérer ce gros coup de poignard. Car, en amont et pendant la Ryder, nous avons passé une dizaine de jours avec tout le staff européen. Nous sommes allés à Londres et Keith Pelley est venu à l’Open de France, début juillet. Et jamais, jamais, ils n’ont évoqué le déplacement de l’Open de France. Ni David Williams, ni surtout Keith Pelley. Ils auraient pu trouver une heure pour nous expliquer la situation. Et le pire, c’est que nous avons, à la fédé, un mail et un communiqué signé Keith Pelley confirmant, avant la Ryder Cup, que « l’Open de France resterait à la même date qu’en 2017″ et « qu’il n’y avait aucune raison qu’il ne soit plus un Rolex Series’’.
– On comprend mieux pourquoi, d’une part le Valderrama Masters de Sergio Garcia, a ainsi pris la date de l’Open de France. Mais comment se fait-il aussi que l’Open d’Espagne, géographiquement plus au sud, soit positionné deux semaines avant l’Open 2019, et ce, avec une dotation somme toute moyenne ?
« Ces questions méritent d’être posée à Mr Keith Pelley, le D.G du Tour. Je le répète, nous avons été mis devant le fait accompli. Pour des histoires de gros sous et pour des engagements pris avec Sergio Garcia et le Valderrama Masters, alors que l’Open de France perdait HNA pour des raisons de politique internes en Chine. Mais les Anglais ont un raisonnement différent de nous latins. Ils ont gagné beaucoup d’argent avec la Ryder, mais ils regardent devant eux, et raisonnent en terme de revenus. »
– Suite à cette authentique trahison, vous avez, j’imagine, interpellé le Tour ?
« Bien évidemment, à travers divers courriers, et nous avons appuyé aussi fort que possible. Mais une certitude : la date pour 2019 est définitive. »
– La Ffgolf n’a-t-elle aucun recours face à un Keith Pelley dont toute la presse internationale** a, depuis, souligné les revenus ahurissants en même temps que l’état critique dans lequel se trouve le Tour ?
« Effectivement, le Times*** a soulevé début décembre un lièvre qui a notamment été repris par le journal l’Equipe, assorti d’une interview de Pascal Grizot, pointant la gestion du Tour européen. Mais pour qu’un journal tel le Times consacre un article c’est qu’il y a bien un sentiment de raté ! »
– Et personne ne bouge au Board ?
« C’est à leurs membres de bouger et, parmi eux, les joueurs, sachant aussi que ceux-ci raisonnent légitimement en terme de revenus. Mais ça a fait du bruit. Qu’est ce qui se passera dans un proche avenir ? Je n’en sais rien ! »
– D’où la réaction aussi de quelques joueurs français, et surtout début décembre, après l’article du Times, de Bernard Pascassio, ex-organisateur de l’Open mais aussi membre de la PGA France ?
« Sa lettre qui a été lue en Grande Bretagne est justifiée. Il demande à comprendre…, qu’on lui explique. Comme sont en droit de le demander tous les licenciés en France qui ont payé 3 euros de plus pour l’obtention de la Ryder Cup: expliquez nous, s’il vous plaît, Mr Pelley.. ! »
« Plutôt qu’un Open de France au rabais… »
– Vu la date de l’Open de France (17-20 octobre), ne va-t-il pas vers un fiasco total d’autant qu’au 24 février aucune dotation ne figure sur le site du calendrier du Tour européen ?
« D’abord il faut savoir que pour l’instant il n’y a effectivement pas de sponsor. Et c’est donc le Tour qui, contractuellement, en a la responsabilité financière pour 2019, avec la dotation qu’il voudra. Sachant aussi qu’il a sollicité la Fédération pour mettre plus d’argent, et que nous avons refusé. Avec ce rappel, que le Tour avait apporté HNA, le sponsor chinois en 2017 dans le cadre des Rolex Series, que ce contrat portait sur 5 ans, avec option de sortie au bout de 3 ans. Et nous avons, nous fédération, un contrat avec le Tour, de promotion et d’organisation du tournoi qui reste, je le rappelle, notre propriété. »
– Concrètement peut-il ne pas y avoir d’Open de France cette année****?
« Plutôt que d’avoir un Open de France au rabais où il risque fort de n’avoir personne, je préfèrerai plutôt, à titre personnel, que le Tour nous dise qu’il souhaite ne pas faire cette édition. Sauf que, contractuellement, nous ne pouvons pas le demander … »
Propos recueillis par Roland Botella (Golf Auvergne Rhône-Alpes Magazine)
*David Williams est un président bénévole de l’International Board
**Suite à la décision de Pelley, le Times a en fait repris puis fouillé une info initiale donnée par le Daily Mail, la veille du début de la Ryder Cup
A Savoir
Keith Pelley (55 ans) est un businessman canadien estampillé sport (foot, hockey, J.O d’hiver) et golf « pour le plaisir ». Il a succédé en 2015 à Georges O’ Grady en tant que directeur général du PGA European Tour. Rapidement sa volonté de « bouleverser le monde figé du golf en créant de nouveaux événements » a été suivie de succès. Mais cette année, dans la foulée du Daily Mail, le Times (voir ci-après) a émis des doutes sur la stabilité financière de l’European Tour, qui a enregistré une perte d’exploitation de 9,5 M de livres après impôts en 2017. « Les réserves de trésorerie ont également diminué de plus de 7 M à 9,6 M de livres, alors que le fonds de roulement n’était que de 424 000 £. En 2015, c’était 15 M. de livres sterling. »** Et de poursuivre « La relance bâclée du site Web de la tournée, qui a coûté 1 M. de livres sterling, a été un désastre pour les relations publiques et les finances. Les révélations selon lesquelles Pelley a été payée plus de 2,75 millions de livres sterling en 2017 ont fait froncer bien des sourcils »
La presse en parle
– La lettre ouverte de Bernard Pascassio à Keith Pelley (L‘Equipe 17/12/ 2018)
– Pascal Grizot « Je me suis fait avoir » (L’Equipe 18/12/2018)
– L’ Open de France sans statut Rolex Series (Le Figaro 29/10/18)
– « 2,78 M £ pour le chef de la tournée européenne, Keith Pelley » (Daily Mail 26/09/18)
– « Keith Pelley Turneg golf Word head » (Golf Industry Network 17/05/18)
– « Is the European Tour in trouble ? » (Todays Golfer.co.uk 11/12/18)
– The Times.co.uk (6/12/18)